• Allons-nous dans la voie des fourmis et des abeilles, ou peut-être même dans celle que les fondateurs unicellulaires des organismes pluricellulaires ont empruntée il y a un millierd d'années ?

    D'aucuns voient dans l'évolution de nos sociétés des signes avant-coureurs d'une telle transformation. Les humains ont perdu depuis longtemps le pouvoir de vivre indépendamment, se reposant de plus en plus sur des talents et des compétences mutuellement complémentaires pour réaliser collectivement un niveau de vie qu'aucun individu n'aurait pu atteindre seul. Les premières communauté divisaient déjà les responsabilités entre boulangers, bouchers, menuisiers, maçons, soldats, instituteurs, administrateurs et autres spécialités. Cette interdépendance n'a fait que croître, en profondeur et en surface, au point de former un réseau fort complexe qui enveloppe la planète entière.

    Les connaissances remplissent maintenant d'innombrables textes écrits, consignés dans des bibliothèques et, de façon croissante, des mémoires électroniques, auxquelles chacun a accès, mais sans pouvoir assimiler plus qu'une fraction minime de leur contenu. Les experts deviennent de plus en plus spécialisés et leurs langages de plus en plus ésotériques. Tenter de faire "la grande synthèse" est manifestement devenu une mission impossible.

    Le savoir humain forme toujours un corps unique, mais fragmenté en un grand nombre de parties séparées qui ne sont intégrées que par un réseau de communication tissé par des ordinateurs. Même le tri des connaissances est effectué de plus en plus par par des ordinateurs. L'analyse génétique en est un exemple typique.

    Dans les domaines économique, social et politique, des structures multinationales coordonnent et supervisent les opérations des gouvernements, des corps législatifs, des institutions financières, des industries, des entreprises commerciales, des systèmes de santé et d'autres organismes. Les responsabilités morales et les préoccupations éthiques sont également globalisées., dans des domaines tels que la protection de l'environnement et les directives bioéthiques par exemples. Organisations et congrès mondiaux abondent.

    Dans l'ensemble, il apparaît que l'humanité est devenue un superorganisme, composé de multiples organes reliés par un réseau croissant de communications intégratrices dirigé par un véritable super-cerveau avec l'assistance d'ordinateurs de plus en plus puissants, sujet au commandements d'une super-conscience collective qui a acquis une dimension planétaire.

    Où cela finira-t-il ? Est-il concevable que les êtres humains, à l'instar des cellules des organismes pluricellulaires, puissent abandonner progressivement leur autonomie à la domination centralisée d'un organisme "plurihumain" ?

    Christian de Duve (A l'écoute du vivant)


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