• L'agressivité de la compétition

    C'est d'un tout autre type de compétition qu'il s'agit là, au sein duquel on distingue la défense du territoire et l'agressivité intermâles.

    On admet que l'agressivité de défense du territoire est un comportement acquis, et non inné, qui résulte de la compétition avec un intrus pour la conservation d'objets et d'êtres gratifiants.

    Quant à l'agression intermâles, bien que reposant sur un instinct sexuel qui dépend de l'état hormonal, elle fait également appel à l'agressivité de compétition, dès lors qu'un autre individu de la même espèce intervient dans le même espace pour s'approprier l'objet de la gratification, sexuelle ou autre.

    Que la  pulsion soit liée à une activité hormonale paraît certain, car l'agressivité intermâles n'apparaît chez la souris ou chez le rat qu'au moment de la maturité sexuelle. La testostérone, hormone mâle, administrée à des souris castrées provoque en effet une augmentation considérable des combats entre mâles. Cependant, des exprériences sur des singes ont démontré que l'expérience sociale antérieure et l'apprentissage des règles hiérarchiques avaient plus d'importance que les hormones sexuelles dans l'agressivité et dans l'établissement des dominances.

    Ces mécanismes étudiés sur l'animal se retrouvent intégralement chez l'homme. Cependant on assiste chez ce dernier à l'institutionnalisation de la notion de propriété et des moyens d'obtention de la dominance. Son aptitude à créer une information capable, par le biais des machines, de fabriquer un maximum de marchandises en un minimum de temps est à l'origine de l'apparition d'une échelle hiérarchique établie sur le degré d'abstraction de l'information professionnelle. La civilisation industrielle a donc permis aux techniciens et bureaucrates d'acquérir la dominance.

    Ce qu'il est convenu d'appeler enseignement et éducation consiste d'ailleurs à apprendre à l'enfant, puis à l'adolescent, à pénétrer le plus tôt possible dans un système de production et à acquérir les informations techniques qui le leur permettront. C'est la recherche de la dominance par l'intermédiaire de l'acquisition de cette information technique, base de toute promotion sociale, qui motive l'enseignement.

    La compétition intermâles et maintenant interfemelles aussi, ne revêt plus l'aspect du comportement batailleur rencontré chez l'animal et qui persista longtemps chez l'homme. La bataille existe toujours, tout aussi ritualisée et institutionnalisée, mais elle est dorénavant abstraite. On peut en conclure que les problèmes de production, de croissance, de pollution sont des problèmes d'agressivité compétitives camouflés sous un discours pseudo-humanitaire déculpabilisant permettant de maintenir la structure de dominance à l'intérieur des groupes et des ethnies, et entre groupes, ethnies et nations.

    La masse, les matières premières, et l'énergie ont toujours été à la disposition de l'espèce humaine, mais seules les ethnies ayant acquis une information technique élaborée ont pu en  profiter et, grâce à une plus grande efficacité de leurs armes, imposer leur dominance aux autres, moins avancés techniquement. L'agressivité compétitive passe aujourd'hui encore plus encore qu'hier par l'intermédiaire de l'efficacité des armes et  du nombre de brevets.

    Cette agressivité fondamentale, celle qui permet aux dominants de conquérir et de conserver leur dominance, est si bien ritualisée et institutionnalisée qu'elle est devenue inapparente et à même pris l'aspect du bon droit, de la justice et de l'absence d'agressivité.

    A tel point qu'elle se trouve à l'origine de professions de foi humanistes, de pitié, de charité et de mansuétude, tout en stigmatisant les explosions brutales de violence de la part des dominés, contre lesquels on organise des guerres "justes" pour l'établissement d'un nouvel ordre international, celui qu'impose les nations dominantes et les mieux armées. Il faut pourtant s'en souvenir, les transformations sociales les plus profondes des sociétés humaines n'ont pu voir le jour que grâce à des révolutions qui ont renversé les rôles et assuré la dominance aux anciens dominés. Devenus dominants, ceux-ci se sont empressés d'établir les règles d'obtention de la  dominance, et de les institutionnaliser.  Le discours législatif n'est jamais que l'alibi logique d'une pulsion dominatrice inconsciente, établissant les règles de la structure hiérarchique d'une société. L'agressivité de compétition conditionne dès lors, chez les dominés, l'agressivité d'inhibition comportementale ou d'angoisse, parfois appelée agressivité d'irritation.

    Source : La légende des comportements, Henri Laborit


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