• L'homme fait partie intégrante de l'environnement. Depuis quelques années, la notion d'environnemnt est à la mode. Des ministères ont étés créés, mais toujours dans la même vision dichotomique. On parle de qualité de la vie, celle-ci étant liée essentiellement à l'importance des espaces verts et d'une moindre pollution, obtenue grâce à une autre croissance dont on ne précise jamais les caractéristiques. Mais couvrirait-on la planète de gazon, si l'on m'interdit de m'y coucher par un bel après-midi d'été, la qualité de ma vie ne sera pas améliorée pour autant.  Ce  qui veut dire que l'environnement humain est d'abord représenté par les autres hommes et que l'écologie humaine est avant tout une socio-économie politique. Pour un individu, être normal, c'est d'abord l'être par rapport à soi-même et non suivant des règles comportementales imposées par une structure hiérarchique de dominance.

    L'homme est un élément d'un système complexe , constitué d'individus et organisé en structures sociales. Il serait présomptueux de penser que l'on peut agir sur ces individus en agissant simplement sur le système complexe qui les réunit, alors que l'organisation de ce dernier dépend de la structure fonctionnelle, en particulier nerveuse centrale, des individus qui le constituent; mais il serait tout aussi inefficace d'agir sur ces individus en ignorant l'organisation du système qui les englobe. Le "dedans" d'un individu ne devient ainsi qu'un lieu de passage de l'environnement, lieu de passage spécifiquement structuré, au sein duquel cet environnement parfois se fixe et sommeille, pour en ressortir transformé dans l'action.

    Source : La légende des comportements, Henri Laborit


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  • En situation d'inhibition de l'action, situation qui ne peut se résoudre que par l'action gratifiante, on assiste parfois à des explosions d'agressivité ou à des dépressions. En effet, en pareille situation, un stimulus surajouté qui normalement n'aurait pas entraîné d'agressivité peut transformer l'ensemble du comportement.

    L'explosion agressive est une réponse motrice inopinée à l'angoisse, elle ne répond pas aux facteurs qui ont provoqué cette angoisse mais permet d'abandonner l'inhibition de l'action pour une activité motrice, même inefficace.

    Deux facteurs peuvent favoriser l'explosion d'agressivité. Le premier est la toxicomanie, surtout alcoolique, qui, dans la majorité des cas, est à l'origine de la violence. Mais cet alcoolisme est lui-même la conséquence d'une tentative d'occultation de l'angoisse. Comme la violence, et d'ailleurs de façon complémentaire, la toxicomanie est une fuite de la sensation pénible résultant de l'inhibition de l'action gratifiante. Le second facteur provient de l'absence d'interlocuteur auquel parler de son angoisse, car le langage aurait alors déjà constitué un moyen d'action.

    Quant au comportement suicidaire, il s'agit d'un comportement d'angoisse et d'inhibition de l'action dans lequel l'agressivité se tourne vers le sujet envers lequel la socioculture ne peut interdire l'action : le sujet lui-même. Ainsi la toxicomanie pourrait être un comportement intermédiaire dans lequel l'individu fuit l'inhibition due à la socioculture et dirige l'agressivité contre lui-même.

    Enfin, tout ce que nous venons d'observer au niveau de l'individu peut également être constaté au niveau de l'organisation des groupes sociaux. La guerre est-elle autre chose que l'affrontement de deux structures fermées en vue d'établir leur dominance, cette dernière étant nécessaire à leur approvisionnement  énergétique et matériel, et en conséquence au maintien de leur structure ? Le langage, par le biais de la propagande, fait croire à chaque élément du groupe en guerre qu'il défend son propre territoire avec les objets et les êtres qui s'y trouvent alors que, bien souvent, ce n'est que la structure hiérarchique de dominance qui est protégée et défendue.

    Source : La légende des comportements, Henri Laborit


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  • L'agressivité défensive est provoqué par un stimulus nociceptif douloureux, lorsque la fuite ou l'échappement sont impossibles. Reste alors la lutte, qui peut encore réaliser la destruction de l'agent nociceptif.

    Ce comportement inné, qui met en jeu le faisceau de la punition, peut être orienté vers un objet, un individu d'une autre espèce ou un individu de la même espèce. Cette agression répond à l'agression du milieu, quel qu'en soit l'agent responsable. Si elle est récompensée, et uniquement dans ce cas, l'agressivité défensive devient un comportement appris, faisant appel à un processus de mémoire, mais elle reste toujours liée à un stimulus du milieu.

    Il est souvent difficile de distinguer clairement ce type d'agressivité des agressivités compétitives qui elles sont acquises. En effet, le stimulus douloureux provoquant l'agressivité défensive peut provenir d'un individu entrant en compétition pour l'obtention d'un objet ou d'un être gratifiant.

    L'agressivité défensive provoquée par un stimulus douloureux est relativement rare chez l'homme. En revanche, le deuxième "système de signalisation" suivant l'expression pavlovienne, autrement dit le langage, est peu-être un stimulus qui met en jeu le système inné de défense, à condition d'avoir fait l'apprentissage de la sémantique qu'il véhicule : l'injure. D'autre part, il implique également un apprentissage culturel de valeurs à usage purement sociologique, telles que celles de la virilité, du courage, des différent types d'honneur, comme celui du gangster ou celui de l'honnête homme. Il suppose enfin l'apprentissage du mérite et de la discipline : le premier, respecté, est récompensé par la structure sociale de dominance, la seconde, non respectée, entraîne la punition.

    L'agressivité déclenchée par la peur, peut être rapprochée de l'agressivité défensive, mais elle implique un apprentissage préalable de la punition. La peur nécessite la connaissance de l'existence de stimuli désagréables, et la connaissance du fait qu'en présence de l'un d'eux, antériorement répertorié comme tel, la fuite ou la lutte permettent l'évitement. L'agressivité résulte alors de l'impossibilité de fuire l'agent agresseur.

    Source : La légende des comportements, Henri Laborit


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  • C'est d'un tout autre type de compétition qu'il s'agit là, au sein duquel on distingue la défense du territoire et l'agressivité intermâles.

    On admet que l'agressivité de défense du territoire est un comportement acquis, et non inné, qui résulte de la compétition avec un intrus pour la conservation d'objets et d'êtres gratifiants.

    Quant à l'agression intermâles, bien que reposant sur un instinct sexuel qui dépend de l'état hormonal, elle fait également appel à l'agressivité de compétition, dès lors qu'un autre individu de la même espèce intervient dans le même espace pour s'approprier l'objet de la gratification, sexuelle ou autre.

    Que la  pulsion soit liée à une activité hormonale paraît certain, car l'agressivité intermâles n'apparaît chez la souris ou chez le rat qu'au moment de la maturité sexuelle. La testostérone, hormone mâle, administrée à des souris castrées provoque en effet une augmentation considérable des combats entre mâles. Cependant, des exprériences sur des singes ont démontré que l'expérience sociale antérieure et l'apprentissage des règles hiérarchiques avaient plus d'importance que les hormones sexuelles dans l'agressivité et dans l'établissement des dominances.

    Ces mécanismes étudiés sur l'animal se retrouvent intégralement chez l'homme. Cependant on assiste chez ce dernier à l'institutionnalisation de la notion de propriété et des moyens d'obtention de la dominance. Son aptitude à créer une information capable, par le biais des machines, de fabriquer un maximum de marchandises en un minimum de temps est à l'origine de l'apparition d'une échelle hiérarchique établie sur le degré d'abstraction de l'information professionnelle. La civilisation industrielle a donc permis aux techniciens et bureaucrates d'acquérir la dominance.

    Ce qu'il est convenu d'appeler enseignement et éducation consiste d'ailleurs à apprendre à l'enfant, puis à l'adolescent, à pénétrer le plus tôt possible dans un système de production et à acquérir les informations techniques qui le leur permettront. C'est la recherche de la dominance par l'intermédiaire de l'acquisition de cette information technique, base de toute promotion sociale, qui motive l'enseignement.

    La compétition intermâles et maintenant interfemelles aussi, ne revêt plus l'aspect du comportement batailleur rencontré chez l'animal et qui persista longtemps chez l'homme. La bataille existe toujours, tout aussi ritualisée et institutionnalisée, mais elle est dorénavant abstraite. On peut en conclure que les problèmes de production, de croissance, de pollution sont des problèmes d'agressivité compétitives camouflés sous un discours pseudo-humanitaire déculpabilisant permettant de maintenir la structure de dominance à l'intérieur des groupes et des ethnies, et entre groupes, ethnies et nations.

    La masse, les matières premières, et l'énergie ont toujours été à la disposition de l'espèce humaine, mais seules les ethnies ayant acquis une information technique élaborée ont pu en  profiter et, grâce à une plus grande efficacité de leurs armes, imposer leur dominance aux autres, moins avancés techniquement. L'agressivité compétitive passe aujourd'hui encore plus encore qu'hier par l'intermédiaire de l'efficacité des armes et  du nombre de brevets.

    Cette agressivité fondamentale, celle qui permet aux dominants de conquérir et de conserver leur dominance, est si bien ritualisée et institutionnalisée qu'elle est devenue inapparente et à même pris l'aspect du bon droit, de la justice et de l'absence d'agressivité.

    A tel point qu'elle se trouve à l'origine de professions de foi humanistes, de pitié, de charité et de mansuétude, tout en stigmatisant les explosions brutales de violence de la part des dominés, contre lesquels on organise des guerres "justes" pour l'établissement d'un nouvel ordre international, celui qu'impose les nations dominantes et les mieux armées. Il faut pourtant s'en souvenir, les transformations sociales les plus profondes des sociétés humaines n'ont pu voir le jour que grâce à des révolutions qui ont renversé les rôles et assuré la dominance aux anciens dominés. Devenus dominants, ceux-ci se sont empressés d'établir les règles d'obtention de la  dominance, et de les institutionnaliser.  Le discours législatif n'est jamais que l'alibi logique d'une pulsion dominatrice inconsciente, établissant les règles de la structure hiérarchique d'une société. L'agressivité de compétition conditionne dès lors, chez les dominés, l'agressivité d'inhibition comportementale ou d'angoisse, parfois appelée agressivité d'irritation.

    Source : La légende des comportements, Henri Laborit


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  • La lionne sautant sur une gazelle pour la dépecer et s'en nourrir n'éprouve aucun ressentiment, aucune haine et, repue, elle peut fort bien, un peu plus tard, laisser les autres gazelles venir se désaltérer au même point d'eau sans les agresser.

    Ce comportement de consommation, que caractérise une agressivité prédatrice, ne paraît lié à l'affectivité que dans la mesure où la pulsion, qui provient d'un déséquilibre biologique interne, s'accompagne d'une sensation désagréable et où l'assouvissement met fin à cette sensation désagréable et s'accompagne d'un certain plaisir.

    L'homme, au lieu de limiter la prédation à sa faim, l'a utilisé pour fabriquer des marchandises et établir sa dominance sur ses semblables, par le biais de la production de ces marchandises et leur vente.

    Dans nos sociétés contemporaines évoluées, l'agressivité prédatrice motivée par la faim est en effet devenue exeptionnelle. Même pour des millions d'individus qui, chaque année encore, meurent de faim, ce type d'agressivité n'est pas rentable, car il n'est plus efficace face aux armes de ceux qui n'ont pas faim.

    Si la faim peut encore exeptionnellement motiver les comportements humains d'agressivité, le but n'est pas de manger l'autre mais de lui prendre son bien. Cependant, dans nos sociétés évoluées, ce ne sont en fait pas ceux, de plus en plus nombreux, qui ont faim qui se montrent agressifs et entretiennent la délinquance.

    Source : La légende des comportements, Henri Laborit


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